Rarement un best-of aura aussi bien porté son nom que Ten Years of Tears, la compilation posthume d'Arab Strap. L'alcool pas cher, les relations foireuses, les échecs amoureux, l'Ecosse, Arab Strap c'était la bande-son du sordide ordinaire. Aidan Moffat pour l'écriture ultra-crue, Malcolm Middleton pour l'instrumentation sobre, tendance post-folk des jours de pluie. Le duo écossais était capable de vous arracher des larmes à chaque morceau. Même en chantant "It was the biggest ever cock you'd ever seen, but you've no idea where that cock has been." sur un Philophobia vraiment glauque. Vers la fin, la musique s'est éclaircie, pas les paroles. Avec notamment un There Is No Ending (dernier morceau du dernier album du groupe, intitulé The Last Romance, les indices de la séparation étaient là) au firmament de la pop song de lendemain de cuite. Ce qui devait arriver pour un groupe ayant élevé la séparation au rang d'art, arriva en 2006. Estimant qu'ils avaient tout dit ensemble, les deux hommes se sont quittés pour poursuivre leurs routes respectives.

On aurait pu penser que chacun de leurs côtés, le musicien sans son parolier et le chanteur sans son multi-instrumentaliste, privés de cette relation quasi-symbiotique, les deux compères seraient moins intéressants à suivre. Tout faux. Car l'absence de l'autre a sans doute permis à chacun de dévoiler certains aspects seulement entraperçus jusque-là. Prenons l'exemple de Malcolm Middleton (car mine de rien, cette chronique est censé parler de son dernier album). Quasiment muet sur l'ensemble de la discographie d'Arab Strap, il s'était révelé un songwriter plus qu'attachant sur A Brighter Beat, album révélation de 2007. Moins cru, moins glauque, moins dégueulasse, que son compère, Malcolm c'est le super-héros du quotidien. Un quotidien un peu trop gris, où l'exploit consiste parfois à sortir de sous sa couette pour aller boire une pinte au pub d'à côté. Un héros, un peu chauve, un peu bedonnant, avec un accent qui sent bon l'Ecosse. Un super-héros sans super-pouvoirs (« Every day I check for my super-power or special ability, but it's still in the post, I know it is » ou encore ce génial « I must be an undercover spy disguised as my life » sur le fabuleux Carry Me). Un monsieur tout-le-monde vraiment attachant avec qui on prendrait bien un verre en sortant du boulot.

Mais un monsieur tout-le-monde avec un vrai talent musical. Voire même pas mal de génie. Des compositions qui débordent d'idées ; des chansons à tiroir. Avec des double-fonds. Tantôt seul avec sa guitare acoustique (Carry Me, Stop Doing Be Good), tantôt power pop (Red Travellin' Socks, imparable pour les matins de réveil difficile), l'ami Malcolm brouille les cartes. Meilleur exemple, Zero, qui démarre avec un orgue à la Dylan, qui se fait couper en deux par une Game Boy, suivie par deux guitares, une basse et une boîte à rythme électro, qui se transforme en break hip-hop. Ça peut paraître complètement incohérent. La bonne nouvelle, c'est que ça ne l'est pas du tout. Tout paraît à sa place, voire plus. Loin des compositions de Grizzly Bear, qui nécessite plusieurs écoutes avant de s'apprécier à sa juste valeur, les morceaux ont cette qualité d'être à la fois directs et complexes. Chaque écoute révèle un élément supplémentaire, mais on accroche dès la première. Signalons au passage la qualité de la production, extrêmement claire et rendant chaque partie accessible. Ce qui permet de se plonger au mieux dans le son Middleton. Aux manettes ? Lui-même. Quand on vous dit que le bougre n'est pas si ordinaire qu'il essaye de nous faire croire.

Au final, on retrouve cette ambivalence du dernier album d'Arab Strap et surtout des précédents albums de l'écossais (We Are All Going To Die sur A Brighter Beat en étant le meilleur exemple) . Il en ressort une agréable sensation douce-amère. Celle du soleil qui perce entre deux maisons de brique tristes, un lendemain de cuite.






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Myspace de Malcolm Middleton


Chronique de l'album sur I Left Without My Hat

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1 commentaire(s):

Cécile a dit…

Je suis assez déçue par ce disque, j'ai l'impression d'avoir déjà entendu tous les titres ailleurs, dans une autre vie, pas seulement du côté d'Arab Strap. Je sais pas ça m'a pas des masses emballée. Mais belle chronique en tous cas ;-)