Si le samedi, plutôt consacré à l’électronique avait pu me laisser légèrement sur ma faim, notamment à cause d’une tête d’affiche en carton, la journée de dimanche, avec son affiche aux allures de Top Albums 2009, s’annonce autrement plus excitante. Constat : j’aurais sans doute payé pour 6 des 7 derniers groupes ou artistes de la journée. Jugez plutôt : Grizzly Bear, Beirut, The Walkmen, The Decemberists, Yo La Tengo et The Flaming Lips. Et c’était avant que je me mette à écouter Hüsker Dü. Le temps clément de la veille, s’est malheureusement fait la malle. Heureusement le froid n’affecte pas le hipster, encore plus omniprésent que la veille.


Les locaux de Sleepy Sun, dont j’aurais, j’espère, l’occasion de reparler, joue un peu trop tôt et j’arrive donc pour la fin du set de Thao & The Get Down Stay Down. Pas assez pour me faire une idée. A réécouter si l’occasion se présente. Changement de scène pour aller voir Spiral Stairs. La foule est clairsemée en ce début d’après-midi pour écouter le guitariste de Pavement présenter les titres de son dernier album, The Real Feel. Ce n’est pas désagréable, le jeu de guitare de Scott Kannberg est reconnaissable entre mille et ces musiciens font le boulot. Mais on sent qu’il manque quelque chose. Stephen Malkmus peut-être ? C’est d’autant plus flagrant lorsque le groupe reprend Pavement. Avec pour principale conséquence de ne vous faire attendre avec impatience la tournée de reformation prévue pour 2010. "I hope to play that again someday. Do you think it will happen?"

Direction la grande scène pour un groupe qui colle à merveille à l’ambiance du festival : Edward Sharpe and the Magnetic Zeros. Le leader du groupe, qui ne s’appelle pas Edward Sharpe (mais Alex Ebert), est la chainon manquant entre Devendra Banhart et Jésus. Grand, ascétique, cheveux longs, pantalon bouffant, rapidement torse-nu et adoptant à l’occasion quelques postures christiques, il semble tout droit échappé du Haight-Ashbury des 60’s. Up From Below, enregistrement freak-folk néo-hippie est l’album que Banhart aimerait réussir à ressortir. Le groupe dans son ensemble affiche une belle communion et la bonne humeur est communicative (à moins que ce ne soit les volutes de fumée qui s’élève du public). Ça siffle, le claviériste joue par terre, les trompettes s'en mêlent et tout le monde est hilare. On peut ne pas adhérer à l’état d’esprit, difficile de ne pas se laisser charmer par ces Magnetic Zeros. Une bande d'aliens, incognitos en tribune a en tout cas l'air d'apprécier.

J’esquive la performance de Vetiver, dont l’album de folk gentillet ne m’avait pas laissé un souvenir impérissable et reste sur la grande scène. Car derrière, c’est Grizzly Bear qui débarque pour défendre Veckatimest, sensation indie de l’année. Débarquer est un bien grand mot, car même si le public leur réserve un accueil triomphal, Grizzly Bear reste un groupe de garçons bien propres sur eux. Veckatimest est parfaitement éxécuté, produit, réfléchi jusque dans ses moindres détails et les qualités d’écriture du groupe sont irréfutables. Two Weeks et Ready, Able sont deux des plus beaux morceaux écrits cette année. Mais j’en viens parfois à espérer un grain de folie qui rendrait le tout complètement inoubliable. Même constat pour la prestation live. Tout est parfait, le son est fabuleux, les arrangements millimétrés. Je ne peux cependant m’empêcher de trouver ça un peu froid. La météo n'aide pas (le vent siffle dans les micros entre les morceaux) et Edward Droste a revêtu son plus bel imperméable pour l'occasion.

Il suffirait de peu. Lorsqu’un rayon de soleil réussit enfin à percer et à nous réchauffer un peu, à l’exact moment où Ready, Able entame sa montée en puissance, on touche au sublime. Dommage qu’il manque ce petit quelque chose pour vraiment faire la différence le reste du temps. Trop sages, Grizzly Bear ?

Arrivé à ce point, viens mon principal regret du festival : avoir profité du concert de Bob Mould pour me reposer un peu (et donc manqué la prestation de l’ancien leader d'Hüsker Dü). J’avoue (avec un peu de honte) n’avoir jamais écouté Hüsker Dü avant le festival. J’ai rattrapé mon retard depuis en achetant la quasi-intégralité de leur discographie.

Coming next : Beirut. J’avais beaucoup écouté Gulag Orkestar, beaucoup moins The Flying Club Cup et pas du tout le double EP sorti l’année dernière. Un peu de lassitude face à une formule qui tourne en rond ? Peu importe, dès les premières notes, toute inquiétude est balayée. Déjà, le son est excellent. Voire plus. Sans doute le meilleur qu’il m’ait été donné d’entendre à un concert « rock », qui plus est en plein air où la médiocrité règne généralement. La qualité était déjà très bonne, mais là on atteint définitivement un sommet. Forcément ce qui suit n’en est que plus agréable. Derrière, la prestation offerte par la troupe cuivrée de Zach Condon est du même niveau. C’est à dire parfaite.

Il faut dire que j’ai une affection particulière pour les cuivres (cette saleté de saxophone n’est pas un cuivre) et qu’un final à la trompette bien mené a de grandes chances de me faire chavirer (cf. Fake Empire, Alone Again Or ou tout bon morceau d’Okkervil River). Peu importe les morceaux joués, quels que soient les reproches que j’ai pu faire à Beirut, les voilà donc effacés d’un coup de trompette magique. Avec le soleil couchant qui se permet d’offrir quelles jolis reflets pour accentuer le tout. Magique. Définitivement le meilleur adjectif pour décrire ce qui vient de se passer.

Les choses auraient pu s’arrêter là. Mais elles ne font que commencer. Le soleil se couche au dessus de San Francisco offrant une ambiance crépusculaire tout à fait propice à l’entrée en scène des Walkmen. Lumière rouge sur la scène. Ciel rouge en arrière-plan.
Que dire de The Walkmen ? Que Hamilton Leithauser est le chanteur le plus classe du monde ? Qu’il renvoie à ses cours de chant n’importe qui tenterait de l’imiter ? Que le groupe derrière lui n’est pas non plus pour rigoler ? Que The Rat est le meilleur morceau rock de ses dix dernières années ? ‘nuff said comme on dit ici.

Le feu d’artifice continue, sous la forme d’un opéra rock offert par The Decemberists, avec un Hazards of Love joué dans sa quasi intégralité. Si ce choix a pu laissé sur sa faim les fans du groupe, pour le néophyte il s’avère judicieux. Avec ses thèmes récurrents, ses changements de personnage et ses ambiances élaborées, soutenues par un film d’animation particulièrement développé (et accessoirement souvent hypnotisant), The Hazards of Love se révèle plus qu’un simple album et révèle toute son étendue, dans la lignée d’autres grands concept albums.

Le début du set de Yo La Tengo se révèle presque la première déception depuis plusieurs heures. Les titres du dernier album (Here to Fall, Periodically Double or Triple) semblent mal adaptés à la scène et peinent à faire décoller le concert et à convaincre les spectateurs. D’autant plus que sur la grande scène, beaucoup sont déjà aux premières loges pour se faire rouler dessus par Wayne Coyne (on y revient). Mais il suffit à Ira Kaplan et ses troupes d’embrayer sur les vieux classiques (Decora, Stockholm Syndrome, I Heard You Looking) et les expérimentations bruitistes pour instantanément se remettre au niveau de la journée. Les efforts du trio d’Hoboken parviennent même à faire tourner quelques têtes dans les files d’attente devant les stands de nourriture. Un signe qui ne trompe pas. Rendez-vous est pris dans une ambiance plus intimiste.

Quoi de tel pour clôturer cette bien belle journée qu’un grand feu d’artifice. C’est à peu près ce à quoi ressemble un concert des Flaming Lips. Entrée en scène via une interprétation assez littérale du nom du groupe, canons à confettis, ballons géants lancés sur la foule, budget figurants inutiles explosé, le rituel est désormais connu mais fait toujours son effet. A commencer par l’inévitable « Je suis Wayne Coyne et je marche sur la foule dans un ballon géant », moment attendu de la soirée.

C’est con, c’est mégalo, mais sur des titres comme The Yeah Yeah Yeah Song ou Do You Realize?, l’effet est incontestable. On notera pour faire les rabat-joies que le retour à des ambiances plus torturées d’Embryonic colle un peu moins bien à l’ambiance Peter Pan du set, mais c’est vraiment pour ne pas vous rendre trop jaloux. Les visages illuminés par des sourires béats ne mentent pas, ce fut une bien belle journée de festival. Rendez-vous l’année prochaine ? J’y serai, je vous attends ;-)

1 commentaire(s):

Erwan a dit…

L'enchaînement Grizzly Bear/Beirut/Walkmen ça fait mal quand même!