Octobre 2008, Maroquinerie, Paris. Emily Jane White ouvre pour le mythique Swell. Silence religieux. Salle comble qui se videra de moitié avant l’entrée de David Freel et sa bande. Les parisiens sont venus voir Emily Jane. L’américaine en est la première étonnée, elle qui avoue avoir d’habitude affaire à l’inattention et aux discussions de comptoirs généralement réservées aux premières parties. En un premier album parfait, a gagné une belle cote d’amour dans l’Hexagone, bien plus que dans son Amérique natale. Victorian America, sa seconde livraison est d’abord paru en France, où elle viendra le défendre sur les routes en février… avant une éventuelle sortie américaine. La raison ? Un distributeur bordelais zélé (Talitres) ayant assuré une promotion corps et âmes, une critique musicale (Bernard Lenoir en tête) ayant rapidement reconnu en EJW une potentielle remplaçante pour une Chan Marshall à côté de ses pompes et un bouche à oreilles plus que favorable. Conséquence étonnante : pour se procurer l’album à Oakland, où a été enregistré l’album, il valait mieux passer commande… à Bordeaux.

Pourtant, comme son nom l’indique, Victorian America n’a pas grand chose de français. Emily Jane y invoque plutôt une certaine idée de l’Amérique. Celle des grands espaces, des champs à perte de vue, balayées par les vents. L’Amérique du pedal-steel et du banjo. Une Amérique du XIXème siècle, mais loin de l’agitation des de la ruée vers l’or. Entre Nashville et la Nouvelle-Orléans plutôt qu’en Californie ; trop jeune, trop folle. Trop superficielle ? Robes longues et cabanes en bois. Victorian America, avec ses violons, sa guitare aux cordes délicatement pincées son piano et son pedal-steel aérien est le disque nostalgique, d’une Amérique intemporelle. Sur laquelle flotte pourtant le fantôme de blessures contemporaines (She lost her home in Victorian America ; A giant flood took Louisiana)


Emily Jane White a plus que son prénom comme prédisposition pour parfaire le tout : une voix sans âge, à la fois douce et terriblement profonde. Fragile en surface mais inébranlable. Nostalgique d’une époque qu’elle n’a finalement pas connue et dont elle aurait hérité de la tristesse et de la gravité. Image de ses femmes attendant un mari parti à la guerre. Fortes, fragiles et infiniment tristes dans leur longue robes blanches. Women at home in Victorian America.

Dark Undercoat émouvait par ses non-dits, son dépouillement ; les silences entre deux accords de guitare en disaient autant que le reste. Pour sa visite de l’Amérique victorienne, EJ s’est entouré de la même équipe qui l’avait accompagnée sur les routes françaises. Il y avait un risque à remplir ses vides chargés d’émotions par des orchestrations. Risque de perdre en émotion, risque de sonner ampoulé. Risque d’en faire trop. Écueil évité avec brio. Sur The Ravens, contrebasse et violoncelle élève la voix vers de nouveaux cieux. Un orgue offre une nouvelle profondeur à Red Serpent, tandis que la brume électrique s’empare de Red Dress. Pour le sublime A Shot Rang Out (en écho au brillant Two Shots to the Head), l’orage qui gronde offre un parfait contrepoint à une guitare légère comme une plume. Menés de main de maître par une Emily Jane virtuose, chaque instrument apporte sa pierre à l’édifice, offrant une riche complexité mélodique là où d’autres aurait offert un mille-feuille indigeste. En contrepartie, ce Victorian America, d’une belle durée, ne s’offre pas immédiatement. Mais tel un diamant noir, il offre de magnifiques facettes, à l'image d'un Stairs à tiroirs, à qui sait l’apprivoiser et l’observer attentivement.




D’autres avis, d’autres points de vue : With Music in my Mind, De la lune on entend tout, Popnews, PopRevueExpress, The Man of Rennes, Ears of Panda et la Blogothèque (un petit Concert à Emporter ?)

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2 commentaire(s):

Panda Panda a dit…

toutafait

Dam a dit…

Très bon article! (et pourquoi on peut pas devenir membre sur ce blog saperlipopette! c'est plus rapide de voir les nouveautés)