Plantons le décor du drame. 05 juillet 2009 Sommet de la colline de Fourvière à Lyon. Théatre antique. L’orage de l’après-midi a rafraîchi l’atmosphère et la soirée s’annonce belle. 4 400 personnes attendent l’arrivée de Blur, attraction de la soirée, ou plutôt du mois. 4 400 personnes, seulement, pour la seule date française de la tournée. Alors qu’ils étaient 55 000 à Hyde Park 2 jours plus tôt. Et sans doute le double à Glastonbury une semaine plus tôt. Raison avancée, Damon Albarn aime bien Fourvière, où il joue pour le troisième été consécutif. On imagine aussi qu’un cachet à la hauteur de l’évènement a permis aux organisateurs de s’offrir la plus belle exclusivité de l’année (les deux d'après France 3). Peu importe, le public, majoritairement dans la tranche d’âge 20-30 ans compte bien profiter de cette belle soirée d’été. Elément important : les places assises dans les gradins constituent la majeure partie de l’amphithéâtre. Comme ceux-ci sont en pierre (le théâtre n’a pas d’antique que le nom), les organisateurs prêtent gracieusement des petits coussins aux couleurs (rouge et verte) des sponsors de l’évènement. C’est important, on y reviendra.
La victime maintenant. Blur. Enfance difficile (Leisure), adolescence bagarreuse (Modern Life Is Rubbish, Parklife et la « bataille » avec Oasis). Golden-boys (The Great Escape) ayant tourné bobos, le groupe a cherché à se renouveler (Blur, 13) quitte à parfois se perdre en chemin. Des aventures extraconjugales (Gorillaz…) semblaient à même de redonner un peu de piment dans la vie du couple créateur Albarn/Coxon (Think Tank), mais l’aventure s’était finalement conclue par divorce et séparation en 2003. Fin 2008, le couple se rabiboche et décide de reprendre la route, attendu en route par des fans impatients.
Tout avait pourtant bien commencé. L’acoustique du lieu est parfaite côté public et le moindre applaudissement est amplifié. Malin les romains. Le son n’est pas parfait, peut-être à cause de ma position pas franchement en face de la scène, mais suffisamment correct pour apprécier la performance. Car performance il y a eu hier soir sur les hauteurs de Lyon. Après un She’s So High qui nous montre un Damon Albarn bien affûté dans les aigus, le groupe envoie un premier coup de semonce. La basse de Girls and Boys, titre brit-pop ultime, réveille les jambes du public et enflamme la fosse. Premier refrain à l’unisson. On continue dans la lignée Parklife avec un Tracy Jacks qui permet à Alex James, perché sur un retour que sa reconversion champêtre ne lui a pas fait perdre la main. La plupart des français, des gens présents à Lyon dimanche soir et votre serviteur en particulier ne connaissent vraiment de Blur que le best-of sorti en 2001. L’adjonction d’ «autres titres» (une bonne demi-douzaine), qui aurait sans doute été repris par une bonne partie du public outre-Manche, est donc la bienvenue et donne envie de se replonger plus profondément dans la discographie éclectique du groupe. Advert en particulier , étonne avec son clavier cartoon (le groupe est accompagné d’un claviériste, trois cuivres et quelques chœurs).
There’s No Other Way donne l’occasion au revenant Graham Coxon de se mettre en valeur avec ce riff si particulier. S’il y met toute la volonté du monde, jouant en se roulant par terre dans des poses à la Hendrix, il n’arrivera néanmoins pas à voler la vedette à son comparse.
Albarn a pourtant averti dès le début, après la traditionnelle tentative d’allocution en français, il a beaucoup crié la semaine dernière et les cordes vocales sont à peu près dans le même état que Londres en 1666. On a du mal à imaginer ce que ça aurait été s’il avait été en forme… Vidages de bouteilles à répétition sur la foule, plongeon dans le public, jogging autour de la scène, rien n’aura été épargné au responsable chargé de sa sécurité. Lui et le reste du groupe ont l’air parfaitement heureux d’être là et de jouer ensemble et les gradins plutôt calmes au début finiront l’intégralité des rappels debout. Beetlebum, Coffee and TV, tout y passe. Même Out of Time à priori jamais joué live avant cette tournée de reformation.
Albarn bluffe son monde et finit de s’arracher les cordes vocales sur une coda a cappella de Tender. Au moment où l'on pense qu’il ne tiendra pas un quart d’heure de plus, Country House relance la machine, de belle manière. «You jump, I run» harangue-t-il avant de se mettre à courir sur place comme un dératé. Le show continue sur la même ligne un peu folle avec un interlude au mégaphone. Coxon continue à se rouler par terre. James, impassible, fait un passage à la contrebasse. La fosse rugit sur Parklife avant d’assister à un magnifique enchaînement End of a Century, To The End, This Is A Low. Le dernier nommé atteignant des sommets avec une performance vocale impressionnante. Le concert pourrait finir à ce moment donné qu’on ne se sentirait pas volé.
Le drame se produit à la fin du premier rappel. Dave Rowntree entame un rythme de batterie lent. Puis accélère progressivement. Certains (moi pas si vous voulez tout savoir) commencent à comprendre et à entamer des «wouhou». Song 2 démarre et l’arène prend soudainement des allures de cratère. C’est alors que les coussins du paragraphe 1 commencent à partir des tribunes et à atterrir dans la fosse et sur scène. Vision un peu folle, de ces gradins en pente raide d’où partent des centaines de coussinets rouges, accentuée par l’explosion de lumière sur scène. Ma première éruption volcanique. La video ci-dessous devrait vous donner une (petite) idée. Le morceau se termine. Mais les jets de cousins eux continuent et, les roadies débordés, ceux-ci commencent à recouvrir la scène. Le groupe meurt étouffé, la tournée mondiale est annulé mais l’évènement passe inaperçu à cause de l’enterrement de Michael Jackson.
Bon, en fait, non. Le groupe quitte une deuxième fois la scène, hilare. Et les coussins continuent à voler. Nouvelle scène surréaliste : alors que les roadies et la sécu essaye tant bien que mal d’endiguer l’invasion pour permettre le deuxième rappel, Albarn revient et entame un pillow fight avec la foule, tandis qu’Alex James s'offre une petite sieste sur ce matelas improvisé. Les grincheux auront beau dire tout le mal qu’ils pensent de Song 2, c’est pour des moments d’extase (allons-y pour les grands mots) collective comme celui-là qu’on aime les gros concerts. Et nul doute que celui-là restera dans les mémoires.
Le dernier rappel se passe quelque part sur un nuage. Les sourires jusqu’aux oreilles du groupe tranche un peu avec le romantisme triste de Death of a Party. For Tomorrow colle plus à l’ambiance et offre une dernière fois l’occasion d’un refrain à l’unisson avant que The Universal ne vienne conclure de très belle manière cette très belle soirée.
Reportage de France 3 Rhône-Alpes (avec un petit peu de Girls and Boys)
Compte rendu sur lemonde.fr
Photos par Lainey et Philippe Merle/AFP
Setlist :
She’s So High
Girls and Boys
Tracy Jacks
There’s No Other Way
Jubilee
Badhead
Beetlebum
Out of Time
Trimm Trab
Coffee and TV
Tender
Country House
Oily Water
Chemical World
Sunday Sunday
Parklife
End of a Century
To The End
This Is a Low
Popscene
Advert
Song 2
Death of a Party
For Tomorrow
The Universal
7 commentaire(s):
5 juillet 2007 t'es sûr?
Bon du coup j'ai pris Think Tank que je n'ai pas écouté depuis des années pour la voiture.
J'ai été assez lent à l'écrire ce compte-rendu.
Excellent et le compte-rendu et la video. C'est vrai que cette vision de coussins volants en direction de la scene, c'est assez surréaliste (et une bien belle idée aussi). J'imagine que voilà un Song2 que Blur n'est pas prêt d'oublier (wouhouu).
*pleur sa race*
Allez voir la vidéo sur culturebox :
Blur met le feu aux Nuits de Fourvière
http://culturebox.france3.fr/all/12670/Blur-met-le-feu-aux-Nuits-de-Fourviere
Jeter des coussins sur la scène à la fin est La Tradition des Nuits de Fourvière (tu le savais ?) Donc si Damon Albarn y jouait pour la troisième fois, je suppose qu'il s'attendait à ce rappel mouvementé.
En tout cas, c'est un très bon compte-rendu. Je n'aimais pas assez Blur pour y aller (et puis de toute façon c'était complet beaucoup trop vite) mais je regretterais presque ce concert raté en te lisant.
En fait malgré mes deux ans de vie lyonnaise, c'était ma première fois aux Nuits de Fourvière. Je m'attendais à un lancer à la fin, mais là, pendant le morceau, avec les lumières et la musique c'était vraiment impressionnant !
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